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Pierre Rabhi, mystique concret
mercredi 3 mai 2006
C’est en 2002, à l’occasion de la campagne présidentielle, que le grand public apprend à connaître Pierre Rabhi, paysan cévenol né au sud de l’Algérie. Celui-ci, qui malgré tout échouera à réunir cinq cents signatures d’élu-e-s, sillonne la France pour témoigner et faire comprendre la nécessité de ce qu’on commence à appeler la décroissance. Les salles sont combles, et le public est fortement séduit par les idées du personnage. Le livre dans lequel il relate ses expériences, Du Sahara aux Cévennes, sort la même année en poche chez Albin Michel.
De son enfance dans le sud algérien, Pierre Rabhi a gardé les valeurs que sont la dignité, la mesure, la convivialité de la famille élargie, le contact avec la terre, la pauvreté qu’il oppose comme Majid Rahnema à la misère. Elevé ensuite dans une famille française, il apprend l’enfermement propre à nos sociétés occidentales : jeune on va au bahut, adulte on travaille quarante ans dans une boîte pour le samedi soir prendre sa caisse et sortir dans une autre boîte, et on finit au bout du compte dans une dernière boîte en sapin, résume-t-il en réunion publique. Pour échapper à cette vie fausse, Rabhi retourne à la terre dans les années 1960, et de paysan précurseur et peu expérimenté devient peu à peu initiateur, en France comme en Afrique.
"Nous avons fait des choix générateurs d’injustice, de misère pour le grand nombre et de boulimie maladive pour une minorité", écrit-il dans son livre. Pour sortir de cette impasse il faut oublier nos valeurs matérialistes et techniciennes, et retrouver le sens des choses, par exemple dans l’autonomie qu’offrent l’artisanat ou la paysannerie.
Trop proche de la terre, Rabhi ? Son déisme et sa mystique discrète peuvent agacer des écolos qui ont les pieds sur terre (ainsi se définissait son rival à la présidentielleNoël Mamère !), et son essentialisme pourra être critiqué par de nombreux-ses féministes. Mais les exemples concrets qu’il offre sont un bol d’air pur et font de lui une figure incontournable du mouvement pour la décroissance.
Aude Vidal