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N° 19 (printemps 2005) / Soigne ta droite ! Vers une écologie de droite ?
L’intégration de la thématique écologiste au sein des courants libéraux et néo-libéraux ne peut plus être considérée avec un haussement d’épaules condescendant de la part des adeptes "légitimes" de l’écologie politique. Nous sommes encore loin d’une dynamique de création de partis écologistes de droite, que ce soit au niveau national ou international. En revanche, la prise en compte de cette thématique par les forces de droite est devenue une réalité effective, même si, historiquement, la chose n’est pas nouvelle (voir le classique de Bertrand de Jouvenel). Si elle reste encore en deçà des espérances des militants de droite de l’écologie (le témoignage de Patrice Hernu), elle devient désormais une question légitime dans les camps de la droite, au point qu’elle pèse parfois sur les procédures d’investiture des élus (Anne-Sophie Petitfils).
L’évolution est plus sensible au niveau de la prise en compte de cette thématique dans le cadre de la redéfinition actuelle des politiques de réduction de la pauvreté (Bruno Boidin) ou dans la construction européenne (Arnaud Leroy). À ces niveaux, le concept de l’écologie devient une figure de style imposée, mais dont la vision reste essentiellement réduite aux questions environnementales, ou bien encore au profit d’une vision utilitariste de l’environnement comme partenaire d’une croissance durable. Nous sommes bien davantage face à de nouveaux masques (Bernard Dréano) qui représentent une vision consensuelle de l’écologie. Cette écologie de droite participe à la définition et à la légitimation d’une vision minimale du projet écologiste — au sens où elle tend à devenir la norme commune, acceptable et acceptée par les autorités politiques et morales. Les procédures de codification (comme la Charte de l’Environnement, Bruno Villalba) ou bien encore les indicateurs de l’aide au développement, deviennent de précieux instruments pour mettre en application cette vision. Par nature, ces outils ne sont pas de droite ou de gauche, mais ils tendent à instaurer une représentation commune de ce qui peut et doit se faire en matière d’écologie. La grande réussite de l’écologie de droite tend à naturaliser cette vision. Ce travail de mise en forme institutionnelle contribue à façonner dans les représentations collectives ce que doit être et peut être l’écologie. Finalement, le mécanisme d’institutionnalisation d’une écologie euphémisée (Bruno Villalba) pose la question de savoir s’il peut exister une écologie sans transformation sociale, une écologie dépolitisée. Comment expliquer qu’une telle vision de l’écologie réussisse progressivement à faire l’objet d’un consensus acceptable dans différents courants de pensée, au niveau national ou international ? Il s’agit donc bien, en évaluant la capacité des mouvements doctrinaux conservateurs, libéraux ou même sociaux-démocrates, de procéder à une segmentation du discours de l’écologie politique pour n’en retenir principalement que la question de la préservation des ressources naturelles, d’en apprécier l’impact sur la possibilité même d’une autonomie doctrinale et politique des mouvements écologistes.
S’interroger sur le discours écologiste de la droite (et plus encore, des droites), doit donc nous amener à nous interroger sur l’identité singulière de l’écologie politique. Loin de rechercher une cohérence de pensée, ce dossier se veut plutôt une contribution à une analyse de cette capacité de captation et de transformation d’un courant critique afin de le rendre conforme à un ordre préexistant. Il est par conséquent aussi une réflexion sur la capacité de l’écologie politique historique à peser seule dans la compétition intellectuelle et politique : face à la droite, mais aussi dans son propre camp...
La rédaction