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Solange Fernex, une militante exemplaire

mercredi 3 mai 2006, par Bruno Villalba

Pacifiste, féministe, tiers-mondiste, militante anti-nucléaire, Solange Fernex est de tous les combats du mouvement écologiste.

Née en 1934 à Strasbourg, Solange Fernex connaît la souffrance de la guerre, la perte de son père, la confusion des identités (elle a changé 5 fois de nationalités dans sa vie...). Enfant, elle se jurait "de réagir toute [sa] vie, d’éduquer [ses] enfants à réagir, à refuser d’accepter l’intolérable, à être autonome, à ne pas pleurer." (Schulthess, 2004). Sa carrière militante ne viendra pas démentir cet engagement.
L’action de Solange Fernex s’élabore sans schéma idéologique préconçu, mais en tenant compte de certaines notions fondamentales, constitutives de son identité : sa foi, son féminisme, son pacifisme et son souci de la nature. A partir de ces pôles, elle tisse des liens entre les questions du tiers-mondisme, de l’égalité, des droits de l’homme, de la lutte anti-nucléaire... Solange Fernex est marquée par son rapport spirituel à la vie : pour elle, la référence à un Dieu est la trame indispensable pour maintenir un "principe de vie" sur cette planète, entre les hommes et entre les hommes et la nature.

L’engagement politique de Solange Fernex se construit à travers la question du pacifisme. Enfant tourmentée par la guerre, elle découvre à 20 ans l’œuvre de Gandhi, et associe désormais le sens de ses engagements à cette conviction profonde qu’on ne peut dissocier la fin et les moyens ; pour le dire autrement, sa vision de la politique est aux antipodes d’une approche machiavélique, où l’exercice du pouvoir est l’ultime ressort de tout engagement personnel. Dans les années 70, elle "s’initie sur les terrains d’occupation aux techniques de l’action non violente, de la désobéissance civile (...) avec d’autres, elle n’hésite pas à engager son corps et sa vie, jusqu’à suivre à plusieurs reprises des jeûnes, limités ou illimités, quand tous les autres moyens ont échoué" [1]. Elle est présente en 1977, à Malville, lors de la mort de Vital Michalon : de son propre aveux, elle est "anéantie" par cette mort, mais surtout par la violence qui s’exprime de part et d’autre et qui révèle, dans les deux camps aussi, les motivations profondes de ce face à face.

Le féminisme constitue le troisième pivot de sa personnalité. La condition de femme ne se résume pas à un statut social spécifique - femme et mère - mais doit résulter d’un choix assumée (y compris celui de mère). Militante politique élue à 24 ans, elle s’engage en faveur de l’émancipation sexuelle des femmes, non pas prioritairement au nom d’une libération sexuelle, mais surtout au motif qu’il s’agit essentiellement de conquérir l’autonomie des femmes vis-à-vis de la procréation et de la contraception.

L’écologie, enfin, amène définitivement Solange Fernex à voir les impasses du monde tel qu’il va... Influencée par la vision naturaliste de l’écologie (elle est très tôt sensibilisée à la protection de l’environnement), son propre parcours (voyages, rencontres, lectures, combats) élargit cette perception naturaliste en lui montrant les connexions qui existent avec les questions sociales.
Pour elle, la politique n’est pas simplement le lieu où s’affrontent, symboliquement, des idées, mais davantage l’espace où se construisent les rapports sociaux, qui engageront l’avenir de la communauté ; par conséquent, l’action politique doit prendre en compte l’Autre, dans ses différences - sociales, ethniques, sexuelles - et à l’aide d’une méthode - la non-violence qui génère l’écoute, la tolérance et le respect - parvenir à une solution acceptable pour tous les membres. Une telle perception n’est évidemment ni facile à faire accepter, encore moins à appliquer, surtout chez les Verts, où la conquête progressive d’espaces de pouvoir génère des tensions pour l’appropriation des postes et des insignes. Si Solange Fernex participe à cette lutte (elle a connu de nombreuses responsabilités politiques, en interne chez les Verts, ou comme élue locale ou européenne), elle évalue cette situation au regard des engagements de terrain qu’elle n’abandonnera pas. Solange Fernex participe à la création du premier parti écologiste d’Europe, Ecologie et Survie et, des années plus tard, s’engagera fortement pour la création d’un parti Vert autonome. Auprès des écologistes, elle milite pour l’adoption de règles de fonctionnement paritaire, non pas dans une stricte logique d’égalité, mais au nom d’une reconnaissance de la singularité des femmes dans leurs rapports au politique. Elle insiste aussi pour que ce parti reconnaisse le principe de la non-violence comme mode d’action et de décision.

La force de Solange Fernex ne réside pas dans sa capacité à produire des systèmes théoriques, sa propension à dire ce que devrait être l’écologie politique ; elle réside dans le fait qu’elle a su rendre exemplaire sa conduite de vie et que son action quotidienne tente de réduire la contradiction entre l’être et l’engagement politique. Sans dogmatisme et sans violence.

Bruno Villalba


[1Elisabeth Schulthess, Solange Fernex, l’insoumise : Ecologie, féminisme, non violence. Editions Yves Michel, 2004.