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A propos du Pacifisme
avril 2003, par
Les mots " pacifisme " et " pacifiste " ont dans notre langue, dans notre culture et dans notre histoire une connotation essentiellement péjorative. Le pacifiste est réputé vouloir la paix " à tout prix ", fut-ce au prix de la justice. C’est pourquoi il est accusé de préférer n’importe quelle paix à n’importe quelle guerre et, donc, d’être prêt à se soumettre à l’oppression plutôt qu’à se battre pour la liberté. La collectivité nationale, au nom de l’idéologie dominante, va donc jeter l’anathème sur les pacifistes en les accusant d’être traîtres et parjures.
Il est vrai que la paix peut être honteuse et que le refus de la guerre peut être lâche. Ce n’est pas la paix qui est le plus important mais la justice qui permet la dignité et la liberté. Si le choix n’était qu’entre la paix dans l’injustice et la guerre pour la justice, alors, en effet, mieux vaudrait choisir la guerre. " Je préférerais mille fois, affirmait Gandhi, prendre le risque de recourir à la violence plutôt que de voir émasculer toute une race. "
La thèse centrale du pacifisme, tel qu’il s’est exprimé à différents moments de notre histoire, peut se résumer ainsi : la guerre est le mal absolu parce que les maux qu’elle engendre sont nécessairement plus grands que ceux auxquels elle prétend remédier. Certes, les moyens de la guerre, c’est-à-dire ceux de la violence destructrice et meurtrière, sont par eux-mêmes en contradiction avec la fin qu’elle prétend poursuivre : la coexistence pacifique des hommes et des peuples. La vérité de l’intuition pacifiste est de proclamer l’inhumanité de la guerre et de récuser toutes les idéologies qui justifient, honorent et sacralisent la guerre. Mais l’erreur du pacifisme est de dénoncer " les horreurs de la guerre " sans proposer des moyens réalistes pour mettre un terme aux " horreurs de la paix ". La guerre, en effet, ne mérite pas seulement une condamnation, elle exige une alternative. La guerre est une méthode d’action et sa finalité est juste lorsqu’elle vise effectivement à défendre ou à rétablir les droits de l’homme. La méthode de la guerre est sûrement détestable mais l’action n’en demeure pas moins nécessaire. Si la condamnation de la méthode entraîne l’inaction, c’est qu’il y a quelque part un vice dans la démarche. Le pacifisme relève en réalité d’une morale de conviction et il se trouve incapable de fonder une morale de responsabilité face aux défis de l’histoire. Lorsqu’il a tenté de proposer d’autres moyens que la guerre pour faire la paix, ils étaient largement illusoires. Il fait alors appel à des vertus en un temps où seule la force conditionne les rapports entre les hommes et les peuples. Le pacifisme procède d’une vision idéaliste et moraliste de l’histoire.
Le discours pacifiste se discrédite quand il laisse croire que les armées et les armements sont les causes des guerres et qu’il présente leur suppression comme la condition nécessaire et suffisante de la paix. Pour promouvoir une politique de désarmement, il importe de concevoir des " équivalents fonctionnels de la guerre " qui offrent aux nations les moyens de se défendre contre une éventuelle agression.
Précisément parce qu’il est perçu de manière négative par l’opinion publique, le mot " pacifisme " est souvent utilisé par les discours dominants pour désigner les mouvements de paix qui s’opposent à tel ou tel aspect de la politique militaire des Etats (ceux, par exemple, qui dénoncent l’engrenage de la course aux armements). L’un des plus sûrs moyens, en effet, de discréditer un mouvement est de le disqualifier en le nommant. Le plus souvent, cette appellation, qui veut être une accusation, concerne des mouvements qui se développent des analyses et choisissent des objectifs qui diffèrent fondamentalement de ceux du " pacifisme ".
© Lexique de la non-violence, 1988, Alternatives Non-Violentes (ANV), avec le soutien de l’IRNC (Institut de recherche sur la Résolution non-violente des conflits).