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Classiques

Il est probable que la science économique tire une partie de sa puissance de son
incroyable capacité à produire des chiffres qui, quoi qu’on en pense, ont su progressivement
s’imposer auprès des décideurs. Ainsi en va-t-il, en particulier, du produit intérieur brut
(PIB). Pierre angulaire de la statistique publique, l’objectif de croissance du PIB a en effet
su rallier les différents courants politiques productivistes pendant plus de cinquante ans.

Mais l’émergence sur la scène politique d’une sensibilité écologiste ouvertement antiproductiviste
s’est accompagnée d’une critique de plus en plus virulente de cet indicateur.
Cette critique a même prit une tournure tout à fait officielle lorsque, en juillet 2000, Parick
Viveret s’est vu confier par le secrétaire d’État vert, Guy Hascoët, une mission très particulière
 : déboulonner le PIB de son piédestal, puis lui trouver des alternatives !

Le texte que nous avons choisi de publier en introduction de ce dossier est un extrait de la
lettre de Patrick Viveret au secrétaire d’État à l’économie solidaire, dans laquelle l’auteur
rappelle les causes de la puissance du PIB, mais également les impasses auxquelles cette
obsession pour la croissance nous mène irrémédiablement.

Y fait suite l’extrait d’une participation d’André Gorz à la rédaction du rapport Viveret. Dans
ce texte paru dans la revue Transversales (n°71, 2001), André Gorz rappelle le contexte
historique qui a permis à la science économique de tirer profit de sa capacité à "tout mettre
en chiffres". Quitte à nier l’importance de tout ce qui, pour une raison ou une autre, ne
pouvait être économiquement évalué. André Gorz en profite pour dessiner une vision alternative
de la richesse et du travail, dans une société affranchie du marché et de son
obsession pour les chiffres.