Accueil > Les kits militants > Auto-stop : la décroisssance en route

Auto-stop : la décroisssance en route

mercredi 21 mai 2008, par EcoRev’

Vous faîtes souvent du stop ? Il s’agit d’un mode de transport économe, écologique et personnellement enrichissant. En plus, il permet de rencontrer toutes les couches de la société, et de se rassurer : pour la solidarité et la fraternité, tout ne va pas si mal.

"Ça fait longtemps que vous attendez ? – Ça
va… dix minutes peut-être.
" Le conducteur
s’étonne, plus ou moins ouvertement. Parce
que les gens ont peur - de ce qu’ils ne
connaissent pas ; de parler avec les gens
dans la rue ; de la proximité des transports
en commun. Cette image est propagée entre
autre par un discours qui met en avant le vote
pour les politiciens à vocation kärcher comme
indice de la mentalité dominante. La paranoïa
ne confirme-t-elle pas l’impact des images
que les grands médias font passer à la télé
tous les jours ? Pour certains écologistes, les
automobilistes sont atteints par une version
particulière de la maladie de société qu’est la
méfiance : en se réfugiant dans une bulle isolante
d’une tonne d’acier coupant tout
contact avec l’extérieur, "l’égoïsme agressif et
cruel du conducteur" ("L’idéologie sociale de
la bagnole", Le Sauvage, 1973) pourrit la
société et le climat d’un seul coup d’accélérateur.
André Gorz raconte à ce titre l’avis
d’un ami de la RDA : "On ne fera jamais le
socialisme avec ces gens-là
".

La peur des autres

Comment alors expliquer que beaucoup
soient prêts à vous inviter dans l’intimité de
leur vache sacrée et à vous conduire dans
un esprit quasiment socialiste vers votre
destination ? Faire du stop défie une
société supposée égoïste et individualiste.
A force de profiter de la bonne volonté
d’inconnus, on constate alors que la société
est peut-être moins méfiante qu’on le pensait.
En même temps, il devient évident à
quel point le sentiment que les autres
seraient craintifs et méfiants fait l’unanimité.
Cependant, le champ des "autres" se
rétrécit au fur et à mesure que vous êtes
pris par de plus en plus de personnes de
tous les milieux. Outre la découverte de la
solidarité, le stop offre des rencontres inoubliables
avec des gens de tous milieux
(quoi qu’on en pense, les automobilistes
sont très représentatifs de la société française).
Au moins sur les stations-services,
vous pourriez être pris par presque n’importe
qui : jeunes et vieux, riches et
pauvres, couples et familles, vacanciers et
professionnels de toute sorte, immigrés et
nationalistes. Personne n’est obligé de parler,
mais parfois cela vient naturellement –
si vous tombez sur une chercheuse travaillant
sur un vaccin contre le sida ; un
architecte de travaux publics en Arabie
Saoudite ; un gendarme spécialisé dans
l’investigation des homicides ; un homme
chargé d’amener des voitures d’occasion
de l’Allemagne en Iran (aller-retour chaque
semaine), etc.

En montant dans une voiture, on s’expose
aussi à un risque – le chauffeur qui vous
prend également. Mais il n’est pas rare de
voir des femmes ou des hommes seuls
prendre des auto-stoppeurs/ses et l’autostoppeuse
qui préfère des conductrices peut
avancer aussi.
Aux aspects humains s’ajoute bien sûr la
principale motivation du stoppeur, qui est
de voyager pas cher. Le stop est un mode
de transport très facile et assez fiable, si on
respecte trois règles :
- Premièrement, profitez des oasis que vous
met à disposition l’oligopole des multinationales
du pétrole. Si vous voulez tester la
vitesse de lecture de vos concitoyens, la
qualité de votre imperméable et les freins
des voitures, mettez-vous au bord de la route avec une pancarte. Sinon, il est fortement
conseillé de s’installer à côté des
pompes d’une station service et de demander
gentiment aux automobilistes s’ils vont
dans la bonne direction.

Aimer les stations services

Non seulement vous êtes protégé de la
pluie, mais il y a aussi des toilettes et à
manger. Les aires de repos sont à éviter :
moins de monde, moins de toilettes, moins
à manger et plus de pluie. Pareil pour les
péages, où le stop est formellement interdit
– interdiction que certains péages font
respecter… Surtout, les automobilistes se
sont déjà arrêtés à la station et ont le temps
de réfléchir en toute tranquillité s’ils veulent
vous prendre ou non. Résultat, vous êtes
pris par des personnes qui ne s’arrêteraient
jamais au bord de la route. Très vite, on
s’habitue à ne pas demander aux conducteurs
de voitures remplies de personnes ou
de bagages, et à préférer celles avec la
plaque de votre destination. Au lieu de voir
vingt voitures vous dépasser au bord de la
route, un ciblage à la station service vous
permet d’être refusé beaucoup moins souvent.
Psychologiquement, c’est mieux. Vous
pouvez aussi choisir selon votre goût personnel,
évitant peut-être les conducteurs
très jeunes avec des voitures puissantes ou
juste les personnes louches (et/ou masculines)…
Pour sortir d’une ville il est souvent mieux
de prendre les transports en commun pour
rejoindre une station service, au lieu de
chercher les conducteurs qui ne font pas des
trajets intra-urbains. Des guides autostop
(www.autopstopguide.com et http://hitchwiki.
org/) expliquent comment accéder à ces
stations. Même avec une bonne carte, vous
risquez de vous trouver à 200m de la station
mais avec un champ de boue à traverser.
Autre option : se poster à des feux rouges
stratégiques (les grands boulevards de sortie
de ville) et frapper à la fenêtre des voitures.
On se rendra vite compte que la plupart des
trajets sont de courtes distances. En région
rurale et à défaut de feux, on sort la pancarte
– ici la sortie des ronds-points est une
option. L’attitude "les gens d’ici sont des
biens, pas comme les autres" facilite ici le
stop...
Deuxièmement, la présentation compte. Le
fait de porter des vêtements corrects et
propres (petit acte de soumission à la superficialité)
est signe de connaissance du code de
société "attitude sérieuse". Le comportement
en gestes et mots étant l’autre facteur décisif
 ; le stop est une bonne école de communication
et d’attitude. Il faut vaincre timidité et
pessimisme pour avancer...

Connaître son chemin

La troisième règle est la plus importante :
savoir où vous voulez aller et ne jamais
monter dans une voiture sans savoir où
vous voulez descendre. A moins de tomber
sur un chauffeur qui vous amènera directement
à votre destination, il faut connaître
donc les étapes du chemin. Quelle est la
dernière station service avant que le
conducteur bifurque de votre itinéraire ? Il
est étonnant de voir combien de stoppeurs
ne respectent pas cette règle, ou font
confiance aux conducteurs pour les déposer
au bon endroit. A défaut du luxe que représente
une carte avec les noms des stations
services, il y a une liste avec la distance jusqu’aux
prochaines stations – environ toutes
les 60km.
Une dernière astuce pour naviguer sur autoroute
 : les stations services avec des passerelles
pour passer de l’autre côté peuvent
se révéler très utiles si vous êtes allé trop
loin ou si vous pensez qu’il y a plus de circulation
dans une direction qu’une autre (si,
si, ça arrive).
Avec ces simples règles, on peut facilement
faire des grands trajets rapidement, gratuitement
et de manière assez écologique. On
peut discuter du manque de soutien pour
l’infrastructure des transports en commun
ou de savoir si le stop renforce l’idée d’une
dépendance à la voiture. La question se
pose aussi pour le covoiturage organisé,
mode de transport bien différent. Il reste
que le stop est un moyen immédiat de
consommer moins et de vivre au milieu de
la société d’aujourd’hui. Qui aurait pensé
que la décroissance conviviale pourrait
aussi se faire au milieu des automobilistes ?

Luke