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Edito : Réinventer la démocratie

août 2000, par La rédaction

La « mondialisation » actuelle vide la citoyenneté de tout contenu, dessaisit et délégitime le politique. La régression sociale portée par le « totalitarisme libéral » est donc aussi une involution politique vers une sorte de féodalisme et de néo-tribalisme high-tech. La perte de sens politique et la démobilisation démocratique se traduisent ainsi en Occident par le retour historique -à travers l’abstention- de la fracture censitaire d’il y a deux siècles.

Mais il y a aussi des raisons d’espérer. En marge de la dictature libérale et d’un projet social-démocrate épuisé, apparaissent de nouvelles formes d’action qui tissent luttes sociales et environnementales, local et global. Après Act-Up, AC ! ou les sans-papiers, on ne peut qu’être frappé par le dynamisme actuel d’ATTAC, et plus généralement des mouvements anti-mondialisation et anti-OGM. L’individu n’a pas seulement besoin de la société mais de société, il est bien travaillé par un désir de communauté, de politique. En témoignent les signes d’une repolitisation de la jeunesse et de l’irruption ces derniers mois de la question du contrôle collectif des forces économiques comme élément d’une conscience planétaire -après la paix il y a un demi siècle et l’environnement il y a un quart de siècle.

Les esprits du passé continuent à ne voir dans ces nouvelles formes qu’un « repli » associatif, moral (terme traditionnellement opposé à celui de « social ») ou identitaire, incapable d’ébranler l’ordre économique dominant, car elles s’écartent des voies des forces politiques et sociales traditionnelles. Question de génération peut-être, ou bien pressentiment d’une entrée dans un nouveau cycle de conquêtes sociales et écologiques après un quart de siècle de reflux, nous faisons le pari inverse.
Un pari dans la lucidité. Porto Alegre ne sera pas notre nouveau Cuba, pas plus que l’exaltation de la société civile ne nous conduira -comme tant d’autres- à celle de la société de marché. Nous sommes conscient-e-s que les nouvelles formes mondialistes de conscience et d’action courent le risque d’une délégitimation des cadres -défaillants mais existants- de régulation du capitalisme avant d’en avoir construit d’autres plus efficients.
Mais nous pensons que ce réveil citoyen ouvre de nouvelles perspectives politiques qu’EcoRev’ désire explorer [1] .

Ce réveil citoyen aspire à une démocratisation radicale de la démocratie. Plus qu’une aspiration légitime, cette réinvention démocratique est pour nous le pivot d’une stratégie de transformation sociale. L’enjeu est en effet de desserrer les carcans institutionnels qui pourraient entraver l’épanouissement des mouvements de citoyenneté active ou les entraîner dans des impasses. Bref, il s’agit de créer des conditions qui permettent à ces mouvements de déboucher vers la construction d’alternatives locales et globales au capitalisme productiviste mondialisé. Aussi faut-il articuler, à ces nouvelles formes de mobilisation de la société civile, une véritable démocratie de participation redonnant à chacun un pouvoir individuel et collectif de changer le monde, et un sentiment d’appartenance, dans la diversité. À l’horizon 2001, nous avons mis l’accent dans notre dossier sur les expériences susceptibles d’enraciner localement une citoyenneté active globale. Mais plus profondément, c’est également la forme parti elle-même qu’il faut repenser, vers un « parti-société », un parti qui soit en lien de partenariat avec les mouvements citoyens, catalyseur d’une transformation radicale des institutions.

« Now is the time to realize the promise of democracy, now is the time ! » clamait Martin Luther King lors de la marche sur Washington en 1963. Ce combat pour une démocratie toujours à venir, est aussi, et plus que jamais, le nôtre !


[1Cf. les dossiers « Survivre au capitalisme » et « Écologie et transformation sociale » de nos deux précédents numéros.