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Techniques autoritaires et démocratiques

Le classique de ce numéro

mercredi 21 mai 2008, par Lewis Mumford

Où les lecteurs d’EcoRev’ retrouvent Lewis Mumford, historien, philosophe et urbaniste (1895-
1990), dont les écrits furent déjà sollicités pour ouvrir notre numéro 25,"Utopies techno, réalisme
écolo". Dans ce texte écrit en 1962, Mumford caractérise deux types de techniques : la technique
démocratique, qui compense un usage limité des ressources naturelles par des compétences
humaines, favorisant autonomie et créativité et la technique autoritaire, centralisée et unifiante,
qui "exprime une hostilité profonde à la vie" et "élimine délibérément toute la personnalité
humaine". Les progrès technologique du XXe siècle ont décuplé les possibilités de domination
de la technique autoritaire, poussant le système jusqu’à l’absurde. Loin de se résigner, Mumford
cherche par cette description des techniques "à persuader ceux qui se sentent concernés par
le maintien des institutions démocratiques de prendre en compte la technologie dans leurs
efforts de construction" et il nous exhorte " à reconstituer notre science et notre technique
de façon à y réinjecter les aspects de la personnalité qui en ont été évincés".

Ma thèse, pour le dire simplement, est que
du néolithique tardif moyen-oriental jusqu’à
aujourd’hui, deux technologies ont
toujours cohabité : l’une autoritaire et
l’autre démocratique, la première centrée
sur le système, immensément puissante et
intrinsèquement instable, et la seconde
centrée sur l’homme et relativement faible,
mais pleine de ressources et durable. Si je
dis vrai, nous nous approchons aujourd’hui
très rapidement du point au-delà duquel, si
nous ne modifions pas radicalement notre
trajectoire, les techniques démocratiques
survivantes vont totalement disparaître, de
sorte que toutes les autonomies résiduelles
seront effacées ou ne seront autorisées que
comme gadget ludique des gouvernants au
même titre que les élections nationales
pour les leaders auto-proclamés des
régimes totalitaires.
Les données sur lesquelles repose cette
thèse sont classiques, mais leur signification
a été, il me semble, négligée jusqu’ici.
Ce que j’appellerais les techniques démocratiques
sont les méthodes de production
à petite échelle, reposant principalement sur les compétences humaines et l’énergie
animale mais demeurant toujours, même
quand elles utilisent des machines, sous la
direction active de l’artisan ou du paysan,
chaque groupe développant ses propres
talents par des arts adaptés et des cérémonies
sociales, et faisant toujours un
usage limité des ressources naturelles. Cette
technologie a des horizons de réalisations
limités, mais, parce qu’elle est largement diffusée
et nécessite peu, a de grands pouvoirs
d’adaptation et de récupération. Cette
technique démocratique est à la base de
toutes les cultures historiques jusqu’à la
nôtre et compense la tendance de la technique
autoritaire à mal utiliser son pouvoir.
Même lorsque les tributs les plus lourds
ont été payés aux régimes autoritaires les
plus oppressifs, il est toujours resté dans
l’atelier ou dans la cour de ferme un espace
d’autonomie, de sélectivité, de créativité.[…]

Si cette technique démocratique remonte
aux tous premiers usages de l’outil, la technique
autoritaire est bien plus récente. Elle
commence autour du quatrième millénaire
avant J.C. dans un contexte nouveau d’invention
technique, d’observation scientifique
et de contrôle politique centralisé, qui
donne naissance au mode de vie particulier
que nous identifions aujourd’hui comme
"la civilisation". Sous la nouvelle institution
de la royauté, les activités qui étaient auparavant
disséminées, diversifiées, adaptées
à la mesure humaine, sont unifiées à une
échelle monumentale, en une organisation
de masse théologico-technologique d’un
genre entièrement nouveau. Dans la personne
d’un souverain absolu, dont les
mots ont force de loi, les pouvoirs cosmiques
descendent sur terre, mobilisant
et unifiant les efforts de milliers d’hommes
restés jusqu’ici bien trop autonomes et
trop décentralisés pour agir volontairement
à l’unisson vers des objectifs dépassant
l’horizon du village.

La nouvelle technologie autoritaire n’est
pas limitée par les coutumes du village ou
les sentiments humains : sa capacité herculéenne
d’organisation mécanique repose
sur une contrainte physique impitoyable, un
travail forcé et sur l’esclavage, qui rendent
possible l’émergence de machines d’une
puissance se comptant en milliers de chevaux,
des siècles avant que les chevaux
soient harnachés et la roue inventée. Cette
technique centralisée a entraîné des inventions
et des découvertes scientifiques
importantes : le document écrit, les mathématiques,
l’astronomie, l’irrigation, la
canalisation et au-dessus de tout, elle a
crée des machines humaines complexes
composées de parties interdépendantes
spécialisées, standardisées et remplaçables
– l’armée du travail, l’armée militaire et la
bureaucratie. Ces armées du travail et
armées militaires ont hissé le plafond des
réalisations humaines – la première s’agissant
des constructions massives, et la
seconde des destructions massives – à un
niveau jusqu’ici inconcevable.

Malgré sa tendance continuelle à la destruction,
la technique totalitaire est alors
tolérée, sans doute même bien accueillie
parce qu’elle permet la première économie
d’abondance contrôlée. Ainsi, si les
immenses récoltes ne suffisent pas à nourrir
de grandes populations urbaines, elles
permettent tout de même de libérer une
minorité d’individus entraînés pour des activités
purement religieuses, scientifiques,
bureaucratiques ou militaires. Mais l’efficacité
du système reste limitée par des faiblesses
qui ne seront surmontées que
récemment.

Au début, l’économie démocratique des villages
agricoles résiste à l’incorporation
dans le nouveau système autoritaire. Même
l’Empire romain consent, une fois la résistance
détruite et les impôts collectés, à
laisser une large autonomie locale en
matière de religion et de gouvernement.
De plus, tant que l’agriculture absorbe le
travail de près de 90 % de la population,
la technique de masse reste largement confinée aux centres urbains. Comme la
technique autoritaire apparaît à un âge où
le métal est rare et où le matériau humain
brut, capturé à la guerre, est facile à
convertir en machines, les techniciens ne
prennent pas la peine d’inventer des substituts
mécaniques inorganiques. Mais il y
a des faiblesses encore plus importantes :
le système n’a pas de cohérence interne.
Une rupture de communication, un lien
manquant dans la chaîne de commande, et
la grande machine humaine tombe. Enfin,
les mythes sur lesquels tout le système
repose – en particulier le mythe essentiel
de la royauté et ses exigences d’obéissance
inconditionnelle et de pouvoir absolu –
sont irrationnels.

Dans toutes ses réalisations redoutables, la
technique autoritaire exprime une hostilité
profonde à la vie.

Vous imaginez bien l’objectif de ce bref
détour historique : montrer que la technique
autoritaire est revenue aujourd’hui
sous une forme immensément magnifiée
et adroitement perfectionnée. Jusqu’à présent,
suivant les principes optimistes des
penseurs du XIXe siècle comme Auguste
Comte et Herbert Spencer, nous avons vu la
diffusion de la science expérimentale et de
l’invention mécanique comme la meilleure
garantie d’une société en paix, productive,
énergique et surtout démocratique.
Beaucoup ont même pu supposer que la
révolte contre le pouvoir politique arbitraire
au XVIIe siècle était liée de façon causale
avec la révolution industrielle qui l’accompagnait.
Mais ce que nous avons interprété
comme la nouvelle liberté se trouve être
aujourd’hui une version beaucoup plus
sophistiquée du vieil esclavage : la montée
de la démocratie politique au cours des
siècles derniers a été de plus en plus
anéantie par la résurrection réussie d’une
technique autoritaire centralisée, une technique
pourtant devenue caduque depuis
longtemps dans de nombreuses régions du
monde.

Arrêtons de nous méprendre plus longtemps.
Au moment même où les nations
occidentales rejettent l’ancien régime de
pouvoir absolu réalisé par une monarchie de
droit divin, ils restaurent le même système,
sous une forme beaucoup plus efficace,
dans leur technologie, réintroduisant des
contraintes de type militaire, d’ailleurs pas
moins strictes dans l’organisation d’une
usine que dans celles des nouvelles armées
entraînées, uniformisées et enrégimentées.
Au cours de la période de transition des
deux derniers siècles, les réactions démocratiques
fortes dans de nombreux
domaines ont pu faire douter de la tendance
ultime de ce régime. Mais, en s’attachant à
une idéologie scientifique elle-même libérée
des restrictions théologiques ou des objectifs
humanistes, la technique autoritaire a maintenant
trouvé un instrument qui lui donne
une commande absolue d’énergies physiques
de puissance cosmique. Les inventeurs de la
bombe atomique, des fusées, des ordinateurs,
sont les bâtisseurs de pyramides de
notre temps : psychologiquement dopés
par un mythe similaire de puissance inqualifiable,
fanfaronnant, du haut de leur
science, sur leur omnipotence – pour ne
pas dire omniscience – grandissante, mus
par des obsessions et des contraintes non
moins irrationnelles que celles des premiers
systèmes absolutistes : en particulier
l’idée que le système lui-même doit être
étendu, quelqu’en soit le coût potentiel
pour la vie.

A travers la mécanisation, l’automatisation,
la direction cybernétique, cette
technique autoritaire a enfin surmonté
sa plus grande faiblesse : sa dépendance
originelle à des servomécanismes résistants,
parfois activement désobéissants,
encore suffisamment humains pour avoir
des objectifs qui ne coïncident pas toujours
avec ceux du système.

Comme les premières formes de technique
autoritaire, cette nouvelle technologie est
merveilleusement dynamique et productive :
son pouvoir sous toutes ses formes tend à
augmenter sans limites, dans des proportions
qui défient l’assimilation et mettent les
contrôles en échec, que l’on pense à la production
de savoirs scientifiques ou aux
chaînes de montage industrielles. Maximiser
l’énergie, la vitesse, l’automatisation, sans
référence aux conditions complexes qui
sous-tendent fondamentalement la vie, sont
devenus des fins en soi. Comme avec les
premières formes de techniques autoritaires,
le poids de l’effort, s’il faut en juger
par les budgets nationaux, est orienté vers
les instruments de destruction absolue,
conçus dans des buts totalement irrationnels
dont le premier produit dérivé serait la
mutilation et l’extermination de la race
humaine.

Le centre de l’autorité dans ce nouveau
système n’est plus une personnalité visible,
un roi tout puissant : même dans les dictatures
totalitaires, le centre est maintenant
le système lui-même, invisible,
omniprésent ; toutes ses composantes
humaines, même les élites techniques et
managériales, même les prêtres sacrés de
la science qui seuls ont accès au savoir
secret par lequel le contrôle total est enfin
possible, sont eux-mêmes pris au piège de
la perfection de l’organisation qu’ils ont
inventée. Comme les Pharaons du temps
des pyramides, ces serviteurs du système
ne distinguent pas leur bien-être personnel
du bien du système : comme au temps du
roi de droit divin, leur glorification du système
est un acte d’auto-adoration ; et
encore comme au temps des rois, ils sont
soumis à une envie irrationnelle d’étendre
leurs moyens de contrôles et la portée de
leur autorité. Dans cette nouvelle coopérative
centrée sur le système, il n’y a pas de
présence visible qui donne les ordres :
contrairement à Dieu, les nouvelles divinités
ne peuvent pas être affrontées, encore
moins défiées. Sous le prétexte de réduire
le labeur, l’objectif ultime de cette technique
est de déplacer la vie, ou plutôt de
transférer les attributs de la vie à la
machine et à la coopérative mécanique.

Ne méprenez pas cette analyse. Le danger
démocratique ne résulte pas d’une découverte
scientifique spécifique ou d’une
invention électronique. La contrainte humaine,
qui domine la technique autoritaire d’aujourd’hui,
remonte à plus loin que l’invention de
la roue. Le danger résulte du fait que, depuis
que Francis Bacon et Galilée ont défini les
nouvelles méthodes et objectifs de la technique,
nos grandes transformations physiques
ont été effectuées par un système qui élimine
délibérément toute la personnalité humaine,
ignore le processus historique, sur-joue le rôle
de l’intelligence abstraite et fait du contrôle de
la nature physique, et même de l’homme luimême,
l’objectif principal de l’existence.

Pourquoi notre époque s’est-elle si facilement
rendue aux contrôleurs, aux manipulateurs,
aux conditionneurs de la technique autoritaire
 ? La réponse à cette question est à la
fois paradoxale et ironique. La technique
d’aujourd’hui diffère des systèmes autoritaires
du passé, ouvertement brutaux, d’une
façon particulière favorable : elle a accepté
le principe de base de la démocratie selon
lequel chaque membre de la société doit
avoir une part de ses biens. En remplissant
progressivement cette part de la promesse
démocratique, notre système a atteint une
emprise sur toute la communauté qui
menace de faire disparaître tous les autres
vestiges de la démocratie.

Le marché que l’on nous demande de passer
ressemble à une superbe mariée. Sous le
contrat social démocratico-autoritaire, chaque
membre de la communauté peut revendiquer
tous les avantages matériels, tous les
stimuli intellectuels et émotionnels qu’il peut
désirer, et ce, dans des quantités supérieures
à celles disponibles jusqu’ici pour les minorités
les plus favorisées : nourriture, maison,
transports rapides, communications instantanées,
soins médicaux, loisirs, éducation.
Mais à une condition : que chacun ne
demande pas ce que le système n’apporte
pas et qu’il accepte de prendre tout ce qui
lui est offert, dûment préparé et fabriqué,
homogénéisé et égalisé, dans les quantités
précises dont le système, plutôt que la personne,
a besoin. Une fois que l’on a choisi
le système, il n’y a plus d’autres choix. En un
mot, si l’on abdique sa vie à la source, la
technique autoritaire donnera en retour tout
ce qui peut être mécaniquement évalué,
quantitativement multiplié, collectivement
manipulé et amplifié.

"N’est-ce pas là un marché équitable ?"
demanderont ceux qui parlent pour le système.
"Les biens promis par la technique
autoritaire ne sont-ils pas de vrais biens ?
N’est-ce pas la corne d’abondance dont
l’humanité a longtemps rêvé, et que toutes
les classes dirigeantes ont essayé de sécuriser
pour elles-mêmes au prix de brutalités
et d’injustice ?" Je ne rabaisserai pas, ni
même ne nierai, tous les produits admirables
que cette technologie a apportés,
produits dont une économie auto-régulée
ferait bon usage. Je suggèrerai seulement
qu’il est temps de reconnaître les désavantages
humains et les coûts, sans parler
des dangers de notre acceptation inconditionnelle
du système lui-même. Même le
coût immédiat est élevé ; parce que le système
est loin d’être dirigé par des humains,
il peut nous empoisonner tous pour nous
nourrir, ou nous exterminer tous pour assurer
la sécurité nationale, avant que nous ne
puissions profiter des biens promis. Quand
la technique autoritaire aura consolidé son
pouvoir avec ses nouvelles formes de
contrôle des masses, sa panoplie de tranquillisants,
de sédatifs et d’aphrodisiaques,
la démocratie pourra-t-elle survivre sous
quelque forme que ce soit ? Cette question
est absurde : la vie elle-même n’y survivra
pas, sauf ce qui en sera canalisé dans la
collectivité mécanique. La diffusion de l’intelligence
scientifique stérilisée sur toute la
planète ne sera pas, comme Teilhard de
Chardin a pu innocemment l’imaginer, l’apogée
heureuse de la volonté divine : elle
signera plutôt la fin de tout développement
humain.

Encore une fois, ne vous méprenez pas sur
ce que je veux dire. Ce n’est pas une prédiction
de ce qui va se passer, mais une
alerte de ce qui pourrait arriver.

Comment faire pour échapper à ce destin ?
En caractérisant la technique autoritaire qui
a commencé à nous dominer, je n’oublie
pas les grandes leçons de l’histoire :
Prépare-toi pour l’inattendu ! Je ne sousestime
pas non plus les énormes réserves
de vitalité et de créativité qu’une tradition
démocratique plus humaine nous offre
encore. Ce que j’aimerais faire, c’est persuader
ceux qui se sentent concernés par le
maintien des institutions démocratiques de prendre en compte la technologie dans
leurs efforts de construction. Là aussi, il
nous faut retourner au centre, l’humain. Il
nous faut défier ce système autoritaire qui
a donné à une idéologie et une technologie
sous dimensionnées, une autorité qui
n’appartient qu’à l’homme. Je le répète : la
vie ne peut pas être déléguée.

Etonnement, les premiers mots en faveur
de cette thèse sont sortis, avec un à-propos
délicieux, de la bouche d’un agent zélé de
la nouvelle technique autoritaire. Ils ont
été prononcés par l’astronaute, John Glenn,
dont la vie a été mise en danger par un
dysfonctionnement des contrôles automatiques
dirigés à distance. Après avoir sauvé
sa vie de justesse, grâce à sa propre intervention,
il est sorti de sa capsule spatiale,
en déclarant "Et maintenant, que l’homme
reprenne le dessus !".

Cette commande est plus facile à passer
qu’à réaliser. Mais si nous ne voulons pas
avoir à subir des mesures encore plus drastiques,
nous avons intérêt à préparer une
issue positive : la reconstitution de notre
science et de notre technique, de façon à y
réinjecter les aspects de la personnalité
humaine qui en ont été évincés à toutes les
étapes. Ce qui veut dire, sacrifier la simple
quantité à la qualité du choix, déplacer le
siège de l’autorité de la mécanique collective
à la personnalité humaine et aux
groupes autonomes en favorisant la variété
et la complexité écologique, plutôt que
l’uniformité stressante et la standardisation
et, surtout, réduire la course insensée
à l’expansion du système pour le
contraindre à respecter les limites humaines
et rendre ainsi l’homme, lui-même, disponible
pour d’autres tâches. Nous ne devons
pas nous demander ce qui est bon pour la
science ou pour la technologie, encore
moins ce qui est bon pour General Motors
ou le Pentagone, mais plutôt ce qui est
bon pour l’homme : pas l’homme conditionné,
régulé par le système, l’homme de
la masse, mais l’homme en personne, celui
qui peut agir librement sur les différentes
facettes de la vie.

Il y a de larges pans de la technologie qui
peuvent être convertis à l’approche démocratique,
une fois abandonnés les
contraintes infantiles et les automatismes
qui menacent d’anéantir nos vrais bénéfices.
Les loisirs que la machine apporte
aujourd’hui aux pays avancés peuvent être
utilisés à bon escient, non pas pour s’attacher
à d’autres machines, mais pour réaliser
d’autres formes de travail, financièrement non rentables ou techniquement impossibles
dans un système de production de masse :
le travail reposant sur des savoir-faire spécifiques,
le savoir ou le sens esthétique. Le
mouvement du "fais-le toi-même" s’est
momentanément fourvoyé en essayant de
vendre encore plus de machines : mais son
slogan va dans la bonne direction, pour
peu que nous ayons encore un "même" à
utiliser. L’excès de voitures qui détruit
aujourd’hui nos villes ne sera réglé que si
nous redessinons nos villes pour faire plus
de place à l’agent humain le plus efficace :
le piéton.

La renaissance de la technique démocratique
est un sujet trop vaste pour être
résumé en une phrase ou deux : mais je
pense avoir été clair sur le fait que les
véritables avantages apportés par notre
technologie scientifique ne seront préservés
que si nous revenons au point où le système
laisse une place aux alternatives
humaines, aux interventions humaines et
aux envies humaines même si elles ne coïncident
pas avec celles du système.

Lewis Mumford
http://www.primitivism.com/mumford.htm
Traduction par Catherine Bourgain