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L’horizon a besoin de vous

mardi 6 janvier 2009, par Laure Nicolas

Première destination touristique mondiale, la France est réputée pour être la honte de l’Europe, voire du monde en matière de pollution visuelle par l’affichage (1). On parle du "French environnement disaster". Depuis sa création, R.A.P. dénonce ce saccage des paysages par l’affichage publicitaire.

Depuis qu’a été votée la loi règlementant l’affichage publicitaire en 1979, la pression n’a jamais cessé de croître. Après la saturation en panneaux 4 mètres par 3 classiques, on a inventé les panneaux rétro-éclairés générateurs de pollution lumineuse, puis les panneaux déroulants permettant d’augmenter la pression publicitaire (2). Cela a continué avec la colonisation des palissades de chantier et plus récemment avec bien d’autres dispositifs : autobus entièrement recouverts, bâches géantes ou "pelliculage" d’immeubles, affichage sur le sol, sur les véhicules privés, etc. De nouveaux procédés (publicités odorantes ou parlantes) rendent la publicité encore plus intrusive et agressive, attirant notre attention par des slogans tous plus ringards les uns que les autres !

Dans ce contexte, R.A.P. lance une campagne dédiée à la lutte contre l’affichage publicitaire intitulée "Les justiciers de l’espace public". Voilà quelques bonnes raisons de rejoindre le combat des justiciers de l’espace public :

Un média d’agression. L’affichage est fondamentalement différent de tous les autres médias en ce qu’il impose son message et prend en otage le citoyen. Allumer la télévision ou la radio, acheter le journal est une démarche volontaire. L’affichage, au contraire, impose sa présence à tous et partout. On se trouve donc dans une situation d’absence de choix en contradiction absolue avec les principes dont se réclame toute société démocratique.

Un média inégalitaire. L’affichage est un outil de promotion des multinationales contre le tissu économique local, une arme pour la concentration des activités. Les petites ou moyennes entreprises n’ont pas les moyens financiers d’entrer en concurrence avec les multinationales via des contrats d’affichage très onéreux.

Pollution du cadre de vie. Selon l’ancien président de la République : "La pollution visuelle due à cette publicité intempestive à l’entrée des villes est une vraie préoccupation en matière de protection du paysage." (3) La loi du 29 décembre 1979, régissant l’affichage publicitaire tente de protéger les secteurs considérés comme très sensibles. Les monuments historiques ou les immeubles classés bénéficient par exemple d’une protection totale. "Pourquoi interdit-on que soient apposées des affiches publicitaires sur le palais du Louvre ou le Mont-Saint-Michel ? Poser la question, c’est y répondre. Chacun sait bien que ce serait dégradant pour ces monuments et ceux qui les regardent. On ne saurait reconnaître plus officiellement que l’affichage publicitaire est un outrage au paysage et au public, une pollution visuelle et mentale, en somme. C’est pour la même raison – bien que ne relevant, cette fois, d’aucune législation – que l’affichage publicitaire est réservé aux quartiers populaires, et qu’on en voit fort peu dans les quartiers dits résidentiels." (4)

Appropriation privée de l’espace public. L’espace public est envahi voire littéralement parasité par l’espace privé que constituent les panneaux publicitaires. En ce sens, l’affichage est hautement symbolique et révélateur de la façon dont une société considère son espace commun. Le territoire appartient à qui le prend et cette appropriation est légitimée par les contraintes de l’économie. Or, l’espace public est un bien commun, un lieu d’échange et de rencontre qui ne doit pas privatisé.

Arrêter les afficheurs délinquants. La loi sur l’affichage publicitaire est une loi impossible à synthétiser. Les critères d’autorisation varient en fonction de la taille de la ville, de la proximité des habitations, de l’endroit où sont placées les affiches : sur toiture, au sol, sur façade... Du coup, chaque panneau devient un cas particulier. On voit bien comment annonceurs et afficheurs qui veulent toujours plus sont parvenus à se glisser entre les lignes de cette loi. D’autant que ceux qui disposent du pouvoir de police, à savoir le maire ou le préfet, les utilisent rarement : trop complexe, d’autres problèmes plus importants à traiter… En 1995, le ministre de l’Environnement admettait qu’environ un dispositif publicitaire sur deux était en infraction.

En dehors de l’action associative, il existe peu de procédures au regard du nombre d’infractions commises. C’est pourquoi R.A.P. a mis en place la campagne ironiquement intitulée "Les justiciers de l’espace public". Elle fait référence à l’utilisation de la justice comme moyen d’action mais aussi à l’idée de se faire justice soi-même. Ce qui est d’une certaine manière le cas puisqu’on est obligé de saisir les tribunaux pour faire retirer les panneaux illégaux.

La campagne sur l’affichage publicitaire a pour objectif principal de libérer l’espace public de la pression publicitaire en encadrant cette activité. Le but est que le travail quotidien des bénévoles et les actions symboliques organisées par R.A.P. exercent une pression suffisante sur les autorités compétentes afin de les obliger à s’occuper du problème de l’affichage. Cette campagne se décline en trois axes qui est de mieux faire connaître et respecter la réglementation sur l’affichage publicitaire, en obtenir le renforcement, et plus largement d’inciter les citoyens à s’impliquer dans la vie locale pour la réhabilitation de leur cadre de vie.

Cette volonté d’accompagner tant les citoyens que les collectivités dans une démarche de réappropriation des paysages quotidiens se traduit notamment par la mise à disposition de différents outils aux personnes et entités qui le demandent. Cette aide va de la formation au simple conseil pour obtenir la dépose d’un panneau ou mettre en place un règlement restrictif de publicité dans sa commune. Parallèlement à cette action de formation et de conseil, R.A.P. peut participer à des conférences-débats concernant les abus et problèmes posés par l’affichage publicitaire.

R.A.P. souhaite ainsi inciter et soutenir la résistance antipublicitaire individuelle qui trouvera bientôt une expression collective à travers l’organisation d’actions nationales symboliques portant sur la place publique la question de l’affichage publicitaire.

(1) L’affichage publicitaire représente en France 12,5 % des dépenses publicitaires, mettant donc notre pays au premier rang mondial pour ce média (4% aux USA, 3,4 % en Allemagne).
(2) A Paris par exemple, la très légère diminution du nombre de mobilier urbain (-20 %) s’accompagne en réalité d’une véritable explosion du nombre de publicités (+ 220%), du fait du recours à des systèmes défilants.
(3) Jacques Chirac, Stratégies, avril 2004.
(4) "Espace publicitaire et espace public" par Maurice Pergnier sur http://www.antipub.net