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Ralph Nader et les errements du consumérisme

mercredi 3 mai 2006, par Patrick Dieuaide

Itinéraire du défenseur des consommateurs américains, candidat Vert à la présidentielle

Né en 1934 dans le Connecticut, diplômé de Princeton (1955) et d’Harvard (1958), Ralph Nader s’est fait connaître au début des années 60 par ses campagnes en faveur des droits des consommateurs. En 1971, victorieux d’un procès retentissant contre Général Motors, qu’il accusait de produire des voitures dangereuses, Ralph Nader fonde Public Citizen, un réseau d’associations de défense des droits des citoyens, toujours actif aujourd’hui, et très implanté à l’origine sur les campus universitaires. Très tôt en effet, Ralph Nader plaida pour que des organisations représentant les intérêts des consommateurs soient en capacité de rétablir un équilibre des pouvoirs face à la toute puissance des firmes. Selon lui, une organisation de consommateurs ne doit pas se contenter de vérifier le prix et la qualité des produits. Elle doit aussi promouvoir des changements plus fondamentaux, comme dans les domaines de l’énergie atomique, de l’assurance, du droit ou du commerce international.

Issu d’un milieu populaire, Ralph Nader est entré en politique en 1972 en tant que candidat démocrate opposé à la guerre du Vietnam. Il est à l’origine de la création de l’Agence Fédérale de Protection de l’Environnement (1970), des lois sur l’air, sur l’eau et sur la liberté de l’information (1974). Depuis, il n’a jamais cessé ses activités politiques, élargissant son champ d’action et tenant un discours de plus en plus radical. En 1992, il est candidat à l’investiture démocrate, puis il représente les Verts à la présidentielle en 1996 et en 2000. En 2004, les Verts refusent d’investir Nader pour la présidentielle. De même, Public Citizen décide de ne pas suivre les positions de son fondateur. Ce dernier se présente alors sous les couleurs du Parti de la réforme créé en 1995 par le milliardaire inclassable Ross Perot, le tout sous le feu des critiques virulentes adressées par une partie des militants anti-guerre et de la gauche américaine (Michaël Moore...) qui l’accusent de faire barrage au candidat démocrate contre W., John Kerry. Il n’hésite pas à répondre "Voter pour Kerry, c’est voter pour la guerre" au slogan "Voter pour Nader, c’est voter pour Bush".

En politique intérieure, Ralph Nader défend un programme de défense des libertés individuelles et des droits des minorités, la promotion de la justice sociale, la protection de l’environnement. Il préconise de financer les partis politiques sur fonds publics, d’abolir la peine de mort et de réformer le système carcéral américain, de diminuer de façon importante les dépenses militaires pour financer des infrastructures publiques de transport et démocratiser l’accès à l’éducation ; d’instaurer une couverture médicale universelle. Dans le domaine de l’environnement, il appelle à la sortie du nucléaire et des énergies fossiles ; il est favorable à l’application du principe pollueur/payeur et veut interdire le brevetage du vivant. Il souhaite démocratiser les lois du commerce international en demandant la présence aux négociations de l’OMC des défenseurs de l’environnement, des travailleurs et des consommateurs....

Trublion de la politique, ce Vert à la mode américaine est aux antipodes des programmes des deux grands partis qui dominent la scène politique. Ses partisans et lui-même affectionnent d’être comparé à Abraham Lincoln - parce que c’est Lincoln qui est parvenu à établir en 1860 le parti Républicain, en tant que troisième force, à côté des Démocrates et des Conservateurs Whigs, avant de supplanter ces derniers. Tout comme les Verts d’aujourd’hui, les Républicains furent d’abord une mouvance de groupements divers qui s’étaient avant tout solidarisés par leur opposition à l’esclavage.
Ralph Nader croit toujours qu’il pourra modifier durablement le paysage politique aux Etats-Unis, parce qu’à ses yeux les partis Républicain et Démocrate sont figés et dépourvus de tout enracinement populaire.

Patrick Dieuaide

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