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Les TIC solidaires au pays des corons

vendredi 13 mai 2005, par Bruno Villalba

L’écloserie des Arts est un dispositif initié par l’Association Nord Internet Solidaire (ANIS), dont l’objet est la valorisation et le développement d’usages citoyens et solidaires des technologies de l’information et de la coopération (TIC). Située à Roubaix, dans le quartier populaire de l’Epeule, l’écloserie entend soutenir les porteurs de projets d’activités socialement utiles à vocation non commerciale utilisant les TIC. Une fusion originale entre l’économie solidaire et l’internet.

L’internet et plus largement l’informatique, est majoritairement présenté et valorisé dans ses objets commerciaux et marketing, et est souvent appréhendé de manière consumériste. Pourtant dès les premières heures de la vulgarisation de ces technologies, des activités non-marchandes ou ayant pour vocation première une réelle plus-value sociale ont émergé et se sont développées. La technique et la culture de réseau ont ici été exploités de manière collective et durable, avec des objectifs de solidarité, de construction collective, de mutualisation des connaissances, d’inset1don sociale ou encore de développement culturel.

Aujourd’hui, ces expériences, initiatives et actions, ces réflexions, avortées ou développées, offrent de réelles opportunités de renforcement des initiatives et des espaces de liberté, de citoyenneté, d’innovation sociale. Les acteurs de l’internet citoyen et solidaire, intemet alternatif aux approches purement marchandes, militent pour l’évolution de nos sociétés vers davantage de responsabilité individuelle et de solidarité, tant à l’échelle locale qu’internabonale. Cependant, ces initiatives et expériences éprouvent des difficultés à se structurer et à être reconnues. D’abord affaire de techniciens ou de militants, les usages citoyens et solidaires de l’internet sont aujourd’hui l’affaire de tous. Individus, entreprises, collectivités, universitaires, élus, réseaux et associations sont concernés et s’y investissent. L’écloserie des Arts entends se situer dans ce sillage.

Quels porteurs pour quels projets ?

Inaugurée en juin 2001 par le secrétaire d’Etat à l’Economie solidaire, M. Guy Hascoët, l’écloserie est un outil axé sur la création d’activités économiques en lien avec les TIC et dans l’objectif de prouver la pertinence et la durabilité d’organisations et de comportements coopératifs et solidaires dans une large variété de domaines d’activité. Sur 200m2, les porteurs de projets économiques d’utilité sociale ou générale sont accompagnés dans la construction (validité...) et la réalisation pratique. Cet accompagnement se décline en une offre de services logistiques (bureautique, mobilier, services administratifs, connexion Intemet et espace disque serveur... ), en une offre de diagnostic et suivi général du projet en lien avec d’autres professionnels de l’accompagnement, notamment sur l’axe technique et usages de TIC. La mise en réseau du porteur avec d’autres porteurs et des structures disposant d’une capacité d’expertise ou de formation est particulièrement importante : technique, montage de projet, recherche de financements, gestion commerciale et financière, stratégie et études de marchés...

L’écloserie des Arts accompagne les porteurs (jeunes, adultes peu ou mal formés, public inorganisé...) souhaitant atteindre un statut de création d’activité, sous une forme juridique quelconque (libéral, association, SARL, coopérative...). On souhaite réduire la période de précarité liée à la maturation de l’idée, en accentuant la mutualisation des savoirs (informations, méthodologies, réseaux), avec une sensibilité proche de l’économie solidaire. Au sein de l’écloserie, la coopération, les collaborations éventuelles entre les porteurs, la mutualisation des besoins et ressources constituent le fond de l’organisation et de l’activité quotidienne. L’écloserie des Arts vise l’accompagnement en rotation d’une quinzaine de projets simultanés.

Pour cela, l’écloserie propose quatre grands types de services :

1/ un accueil physique comprenant un espace de travail adapté au projet, une infrastructure technique et logistique (informatique, copieurs, périphériques ) et des ressources administratives mutualisées.

2/ un diagnostic général des besoins spécifiques au projet, avec une orientation vers les experts, conseils, formateurs ou autre dispositifs d’accompagnement de projet susceptibles chacun de répondre à un type ou tous ces besoins (divers réseaux généralistes ou spécialisés sont mobilisés).

3/ un accompagnement spécifique expert dans le domaine des tic, tant sur le plan technique que sur celui des usages ou de la veille.

4/ une mise en réseau dès les premiers contacts avec des partenaires ou autres porteurs de projets aux compétences complémentaires ou similaires. Partage des connaissances, mutualisation des moyens et ressources. Ce travail en réseau se prolonge après la création de l’entreprise grâce à une organisation en réseau de compétences mobilisables et une implication de chacun dans la (future) SCIC.

Un Comité de suivi répond aux demandes de porteurs de projets souhaitant bénéficier et s’investir dans le dispositif écloserie des Arts. A ce jour, une vingtaine de porteurs de projets, de la métropole lilloise mais aussi d’autres régions de France, ont souhaité être accompgnés par l’écloserie. Sont recherchées la diversité des domaines d’activités concernés par les projets ainsi que la diversité des expériences et approches des tic propres à chaque porteur. Sept projets font aujourd’hui vivre le dispositif à Roubaix. Oeuvrant dans des domaines d’activité très variés, ces porteurs de projets entretiennent au quotidien des modes de relation partenariales, d’échanges d’expériences, de compétences, de ressources.

Territoires et écloserie

L’écloserie des Arts souhaite participer au développement économique, social et culturel de la région en s’appuyant sur les opportunités de travail mutualisé et fédératif régionaux ou nationaux. Dans l’animation mis en place par l’association ANIS, on retrouve différents partenaires comme la société de conseil Extra-Muros, la coopérative d’activités Graine d’Affaires, l’association Turbulences ou encore la Caisse Régionale de Crédit Coopératif, le réseau national e-toile (groupement de coopératives multimédia fondé sur la mutualisation des moyens), ou l’APES (Assemblée permanente de l’économie solidaire qui fédère 250 acteurs dans la région) et le réseau e-tic : Réseau national des écloseries "technologies de l’information et de la coopération".

L’écloserie se positionne sur plusieurs territoires. Au niveau de la Ville de Roubaix, L’écloserie souhaite participer au développement local et à l’accompagnement des initiatives des habitants et acteurs roubaisiens. Le maillage, le travail en réseau, la complémentarité des compétences sont recherchés avec les structures, dispositifs et ressources œuvrant sur le terrain. Ensuite, des partenariats avec d’autres structures assurant l’accompagnement de projets sont engagés à l’échelle de la région Nord-Pas de Calais. Enfin, à moyen terme, le modèle choisi pour l’écloserie (un dispositif d’accompagnement s’appuyant sur une structure développant une expertise pointue dans un domaine) est voué à éclore lui-même, renforçant ainsi un réseau régional, voire euro-régional (entre les régions frontalières par ex.). Dans ce cadre, ANIS a pour objet l’animation et la réflexion autour des usages citoyens et solidaires de technologies de l’information et de la communication. Plus globalement, il s’agit d’identifier et valoriser tous les usages, les techniques et les organisations mettant en œuvre des outils et pratiques autres que ceux habituellement valorisés dans une logique purement marchande et consumériste. Il s’agit de valoriser la plus-value sociale que peuvent apporter ces pratiques "alternatives".

En 2002 (suivant la publication des décrets...)

L’écloserie disposera d’un statut coopératif privé de type SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif) permettant à tous les acteurs concernés par ses activités de s’impliquer dans sa gestion et son développement : porteurs de projets, salariés et partenaires directs, financeurs et institutionnels, acteurs de terrain divers.
L’écloserie dispose d’un budget annuel d’un million à un million et demi de francs sur les trois premières années. Ce budget prévisionnel provient de 10% de financements privés (INSITE et son réseau), et à 90% de fonds publics (fonds européens, du Conseil général et du secrétariat d’Etat à l’Economie solidaire). La Mairie de Roubaix s’est associée à l’opération, notamment par un important soutien matériel. En développant ses activités, l’écloserie souhaite atteindre un autofinancement à hauteur de 30% (location des espaces de travail - forfait de 76,22 euros par mois, incluant la mise à disposition de l’espace et l’accès au matériel -, et à terme, par un système de reversement des gains par les structures ayant obtenus des contrats au sein du réseau de l’écloserie). Il est bien évident que les activités marchandes ne sont pas un objectif en soi, rappelle B. Lefèvre ; il faut au contraire "réfléchir sur la plus-value sociale des activités liées au net". "Le problème n’est pas de relancer le débat entre secteur marchand et non-marchand, mais de réfléchir à la manière dont on peut renforcer les implications des TIC dans les activités sociales de quartier par exemple", commente E. Vandamme ; "c’est difficile de raisonner sur une telle dichotomie ; mais l’essentiel est d’identifier une création de richesse non-monétaire. Ainsi, les activités un tant soit peu lucratives doivent permettre de développer d’autres investissements, eux, non-marchands".

écologie électronique...

Les TIC et l’économie solidaire présentent des valeurs communes. Bruno Lefevre, directeur de l’écloserie, insiste sur le modèle coopératif qui est au cœur de ces deux notions. "Il y a une filiation évidente, mais il est essentiel de comprendre que les TIC ne sont pas réellement un secteur d’activité en soi, mais un espace pour construire de l’économie et du social.". Emmanuel Vandamme, animateur d’ANIS mais aussi membre d’INSITE (coopérative multimédia spécialisée dans le conseil et l’accompagnement de projets Internet), précise qu’il s’agit de développer une utilisation spécifique d’un outil, au profit d’objectifs socialement utiles... En ce sens, les TIC sont perçues comme un vecteur de dynamisation de l’économie solidaire, en impulsant une logique d’innovation technologique, mais aussi une forte capacité d’adaptation à un environnement en constante transformation.

En effet, pour le moment, le développement d’activités liées à Internet est majoritairement valorisé sous l’angle lucratif et strictement commercial. Pourtant, la réelle valeur ajoutée des TIC réside dans leur capacité à concevoir, monter et développer des initiatives et activités citoyennes et solidaires, dans une structuration coopérative et collective, innovante. Comment valoriser ces activités et contribuer à leur développement ?
L’écloserie pourrait donner l’impression d’une relation très distanciée avec le territoire local des banlieues, une sorte de culture hors-sol... Il importe de souligner que l’écloserie n’a vocation à intervenir que dans une logique réticulaire, et non en cadrant et orientant les projets suivant "sa" logique. Ce sont les porteurs de projet qui enracinent l’expérience dans le terreau local, en travaillant sur des populations ciblées (souvent en précarité), ou bien encore dans les partenariats mis en places (acteurs et structures, mais aussi définition de projets collectifs...). Le territoire de la banlieue s’inscrit dans une approche en termes de réseau, perçu comme une dynamique de liens construit autour d’un projet dont l’ancrage territorial n’est pas la principale finalité ; il importe de rappeler que le territoire n’a pas exclusivement vocation à se rattacher à un espace localisable et physiquement maîtrisable L’expérience de l’écloserie souhaite donc participer à l’élargissement des manières d’appréhender la participation locale, en s’appuyant sur une vision du territoire qui n’est pas exclusivement rattachée à un espace particulier (une division du terrain correspondant grosso-modo au quartier ou à la ville).

L’écloserie n’entend cependant pas participer au fétichisme technologique ! "Notre objectif n’est pas de produire des sites" explique B. Lefevre. "Au contraire, précise E. Vandamme, le site constitue un prétexte à une réflexion en amont sur le sens du site dans un réseau large de communication". L’essentiel consiste à amener les acteurs à réfléchir sur le contenu du site, en menant un travail de coopération et de mutualisation des savoirs en amont. Pour E. Vandamme, "Il est essentiel de construire des outils collectifs, de manière à ce que le site induise une dynamique en dehors même de l’outil : on doit pouvoir réfléchir sur les logiques d’interaction complexes que représente le site, dans un environnement plus ou moins électronique, mais surtout intégré dans le réel". C’est en cela que L’écloserie, avec une approche liée aux TIC, souhaite pouvoir orienter tout porteur vers des dispositifs adaptés à la maturité de son projet, à ses champs d’application ou à sa situation sociale et personnelle. "L’ancrage du site", développe B. Lefevre, "suppose qu’on réfléchisse sur la méthodologie de l’élaboration du site : contenu, mais aussi animation du projet, ressources humaines, partenariats, utilités sociales... C’est un cheminement qui réinstaure une portée temporelle".

Association Territoriale des Cigales du Nord

Les Cigales ont pour mission l’accompagnement financier de créateurs de petites entreprises ayant un impact sur la vie locale. Ces clubs réunissent habitants et professionnels d’une commune ou d’un quartier qui souhaitent consacrer un peu de leur temps et de leur épargne au développement de l’activité économique près d’eux.

Les Cigales souhaitent développer via internet un outil de travail collaboratif destiné à une information entre les clubs et une gestion de l’ensemble des demandes ou projets financés.

Contact : Jean Thierry - 03 20 68 17 83
asscigales@nordnet.fr

Association UnisCité Nord

UnisCité est en cours de constitution. L’association a pour objet l’organisation de chantiers de volontaires au profit de projets d’intérêt collectif et social. Engagés à temps plein pour une durée de 9 mois, les volontaires acquièrent formation et expériences à travers des chantiers de durée variable, dans tous domaines (culture, aménagement, social...).
UnisCité se développe en réseau (île de France & Rhône Alpes). Des outils techniques s’appuyant sur les tic doivent permettre au réseau de capitaliser expériences, méthodologies et partenariats locaux.

Contact : Delphine Lalu - 03 20 70 32 59
delphinelalu@hotmail.com

Association La Cité du Réemploi

La Cité du Réemploi a pour objet la promotion de la valorisation par réemploi des déchets. Son projet : créer une ressourcerie sur le territoire de Roubaix-Tourcoing-Wattrelos.
La Ressourcerie est un centre de réemploi des encombrants ménagers collectés en déchetterie et porte à porte sur rendez-vous, monté en lien avec les opérateurs et collectivités. La ressourcerie peut rapidement générer une trentaine d’emplois qualifiés.
Un extranet destiné à relier l’ensemble des projets similaires mis en œuvre au Nord de Paris (huit actuellement) est à l’étude. Outre l’échange d’informations et le travail collectif, il pourrait permettre la gestion des stocks ainsi que les parcours de formation des salariés.

Contact : Damien Vancoppenolle
03 20 11 05 74 - ressourcerie@hotmail.com

RésoFormation

Résoformation, site internet prévu pour décembre 2001, a vocation de devenir un site communautaire pour les salariés et tout demandeur de formation. Il vise spécialement les salariés soucieux de gérer au mieux leurs compétences tout au long de leur parcours professionnel. Le site proposera une base de données relative aux offres de formation, des informations, des adresses utiles, des répertoires d’organismes de formation et d’information, un espace d’échanges interactifs entre membres. D’autres services comme l’assistance et le suivi du dossier de demande de financement sont également prévus.
Les thèmes et le contenu du site seront développés mensuellement selon les choix des utilisateurs.

Contact : Huong Hubaut-Trinh - 03 20 70 26 21
contact@resoformation.org

Kekchose

Kekchose s’adresse aux personnes en situation d’exclusion et souhaite leur proposer via les tic des outils liés autant à l’échange, à l’information, à la formation, qu’à la recherche d’emplois. Ce projet s’appuie sur une mise en réseau à l’échelle européenne de structures et institutions oeuvrant pour ce public. L’objectif : optimiser les réponses apportées à chaque situation.

Contact : Renaud Joseph - 03 20 65 28 65

Effitech

Effitech est un projet de société coopérative dans le domaine de la maintenance système. Pierre-Yves et Jean-Louis Lannes sont experts dans un langage de programmation développé dans les années 80 et peu mis à jour depuis en Europe. Puissant et adapté aux grands comptes, ce système et les applications qui y sont liées dispose aujourd’hui grâce à Jeansys d’une opportunité de mise à jour et d’évolution inédite.

Contact : Jean-Louis Lannes - 03 20 70 26 21