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Edito

dimanche 11 juillet 2004, par La rédaction

Deux années de réformes sociales tous azimuts ont engendré en retour
une grande diversité de mouvements et de luttes, partiellement
cristallisés autour de grand thèmes comme celui des retraites, de
l’indemnisation du chômage ou de la défense de la Sécurité sociale,
mais loin de s’y réduire. Il serait sans doute excessif de parler
d’échec à leur propos, dans la mesure où certaines au moins de ces
luttes, comme celle des intermittents, ont mis à l’ordre du jour des
problèmes et des revendications qui jusque là restaient peu visibles.
Reste toutefois qu’on a du mal à voir s’y dessiner autre chose qu’une
posture simplement défensive (certes nécessaire, mais sans doute
insuffisante ne serait-ce qu’à "préserver les acquis") et que leurs
formes de convergence éventuelle restent problématiques. Dans ces
conditions, la manière dont certains syndicats ont fini par
s’accommoder des projets gouvernementaux a achevé de mettre en
lumière que les cadres et les approches traditionnelles des questions
sociales, centrées sur "l’emploi", ne suffisaient plus et risquaient
de nous mener dans une impasse. C’est l’ensemble de notre démocratie
sociale qu’il faut repenser à nouveaux frais.

C’est à un tel pas en avant, auquel la tradition et les mouvements
écologistes sont susceptibles de contribuer de manière essentielle,
que voudrait convier le dossier que nous proposons dans ce numéro.
Les évolutions sociales, économiques, politiques, imposent un
aggiornamento de la manière dont les institutions sociales et les
politiques publiques sont pensées et gérées. Les systèmes de
protection sociale construits dans l’après-guerre en étroite relation
avec le monde du salariat ont atteint une ampleur telle qu’ils sont
d’ores et déjà "plus que sociaux" : ils ne concernent plus seulement
la vie du travailleur, mais forment la texture même de nos modes de
vie, de nos manières de travailler et de nos identités collectives.
C’est dans cette perspective globale qu’ils doivent donc être traités
et éventuellement réformés, et non pas en fonction des supposées
contraintes d’une "économie" réduite à la vulgate libérale ou d’un
idéal salarial de mois en moins à même d’assurer des droits
suffisants à toute la population. Aujourd’hui, par exemple, on ne
peut plus faire comme si les problèmes de santé étaient extérieurs,
indépendants des conditions de travail et de vie, de l’état de
l’environnement. Les modes de gestion traditionnels (niveau national,
paritarisme patronat/syndicats) apparaissent dès lors bien
insuffisants pour mener les transformations nécessaires, qui
requièrent d’autres acteurs et d’autres échelles (locale,
européenne). A travers la "question sociale", c’est donc bien, comme
le montrent dans ces pages les références récurrentes à la Résistance
ou au New Deal, une réinvention démocratique qui est aujourd’hui
nécessaire.